[L’Actu – Février 2025]
Alexandra BERTRON,
Regarder ensemble dans la même direction
Enseignante et chercheuse au LMDC, très fortement investie, tant dans ses travaux que dans ses réseaux de recherche ou le fonctionnement au sein de l’établissement, Alexandra Bertron a décidé de mettre cette passion de l’engagement au service de la stratégie de l’INSA Toulouse. Elle a pris ses nouvelles fonctions de directrice au début du mois avec, en bagage, de forts engagements.

Parmi vos grandes orientations, figure la montée en puissance des actions de développement durable et de responsabilité sociétale. Comment allez-vous poursuivre la transition vers un système plus soucieux de son impact ?
Mon programme d’actions s’articule autour de 4 axes principaux : former des ingénieur·e·s et docteur·e·s aptes à relever les défis des transitions, promouvoir un modèle INSA inclusif et humaniste en France et à l’international, défendre un enseignement supérieur public ambitieux par un dialogue soutenu avec les tutelles et une stratégie économique dynamique et engager pleinement l’établissement dans les actions DDRSE dans tous les volets de ses missions et de son fonctionnement.
Concernant notre action et ses impacts sociétaux et environnementaux, nous disposons d’un contexte favorable, celui de la mise en œuvre du schéma directeur DDRSE [l’élaboration d’une feuille de route, sur cinq ans, des actions de l’établissement pour contribuer à la transition écologique et sociétale, ndlr]. L’établissement avait déjà inscrit le sujet parmi ses projets structurants, dans son contrat d’objectifs et de performance 2024-2026. Nous souhaitons maintenant accélérer nos transformations. Entre autres actions, je souhaite créer une direction adjointe en charge du DDRSE et un centre de transition environnementale. L’idée ? Que ces sujets soient portés au plus haut niveau et qu’ils soient ensuite déclinés de façon transversale, en formation, en recherche et pour nos infrastructures.
Une direction adjointe à l’INSA, une évolution institutionnelle
Outre le portage politique des actions DDRSE, la mise en œuvre d’une direction adjointe répond à une volonté de concertation dans la décision politique. J’aime la confrontation des idées pour bâtir un chemin qui soit la meilleure synthèse de toutes les sensibilités. Une commission des statuts travaille déjà sur cette création, que j’espère voir validée en février par le conseil d’administration de l’établissement.
Vous prônez la transversalité, qu’entendez-vous par là ?
La transversalité se décline de plusieurs façons dans le projet d’établissement. C’est d’une part une vision organisationnelle de l’établissement visant l’efficacité et la synergie et d’autre part une plus grande connexion de nos missions pour enrichir le profil de nos étudiants et aller plus avant dans nos missions sociétales.
Sur ce deuxième aspect, il s’agit de renforcer le lien entre formation et recherche afin de sensibiliser davantage nos étudiants à l’innovation. Il est primordial d’amener nos étudiants à interroger, avec les enseignants-chercheurs, l’utilité pour la société des sujets de recherche que nous développons : les questions de recherche, les méthodologies, les efforts pour transmettre nos résultats vers la société sont-ils bien organisés et/ou suffisants pour que notre recherche ait des effets transformants ? Il faut renforcer le dialogue entre nos différentes disciplines scientifiques et SHS en mettant les étudiants au centre de ces dispositifs.
À titre d’exemple, il est utile que nos élèves ingénieurs sachent que travailler dans le génie civil avec des granulats recyclés issus de bâtiments déconstruits permet de limiter la quantité de déchets que l’on génère, les émissions de CO2, et l’utilisation des ressources naturelles. Mais des verrous persistent aussi, en particulier, le besoin d’évaluer les performances des granulats recyclés par la recherche, et une réglementation qui limite leur utilisation. L’acceptabilité sociétale est aussi importante à appréhender car, par exemple, la société est souvent favorable au recyclage mais le tout un chacun est peu enclin à voir des usines de recyclages s’implanter à proximité de son lieu de vie, alors que ce maillage des centres de tri est une étape indispensable. Autre verrou : les appels d’offres doivent par exemple évoluer et devenir prescripteurs de l’usage de matériaux recyclés. Nos futurs ingénieurs, potentiels futurs maîtres d’ouvrages, ont à cet endroit un rôle majeur à jouer. L’idée est d’encourager l’intérêt de nos étudiants pour l’innovation en même temps que ce raisonnement : comment, en tant qu’ingénieur, je peux agir pour accélérer la transition ?
Nous avons la chance d’être dans une communauté capable d’intelligence collective, avec une vraie conscience de l’utilité de sa mission pour la société.
Vous souhaitez aborder les évolutions de l’établissement en impliquant la communauté…
Rien ne peut se faire sans co-construire. Il faudra donc créer des espaces d’échanges pour les sujets stratégiques qui engagent l’établissement. Les organiser prend du temps, mais cela nous rend plus forts. C’est pourquoi, en parallèle que les projets doivent être soumis dans nos conseils, il est important d’avoir des discussions avec les personnels et les étudiants. Pour réussir nos transformations, il est nécessaire que les parties prenantes en perçoivent le sens. Nous avons la chance d’être dans une communauté capable d’intelligence collective, avec une vraie conscience de l’utilité de sa mission pour la société.
« J’aime la confrontation des idées, entendre des points de vue différents pour bâtir un chemin qui soit la meilleure synthèse de toutes les sensibilités »
Qu’en est-il enfin de vos pistes pour renforcer l’internationalisation de l’établissement ?
Mon ambition serait d’ouvrir suffisamment le campus pour qu’il devienne polyglotte ! Nous avons tous à apprendre de toutes les cultures. S’ouvrir à l’international, c’est savoir être un vrai lieu d’accueil pour tous les étudiants internationaux. Nous devons par exemple conforter des accords de coopération en Europe dans le cadre de notre alliance ECIU mais aussi avec l’Afrique, ou encore le Moyen-Orient, la Chine et/ou l’Inde par exemple. Cette réflexion sur les territoires avec qui nous souhaitons collaborer, en fonction de nos spécificités et de nos points forts, doit faire aussi l’objet d’une réflexion collective.
Vous envisagez une montée en puissance des actions contractuelles avec les partenaires socio-économiques, dans quel but ?
Nous sommes sur une trajectoire financière contrainte, avec un État qui se désengage de plus en plus. Or, le modèle INSA, qui se veut très accompagnant pour les étudiants et privilégiant de bonnes conditions de travail des personnels – auquel nous sommes très attachés – a un coût. Parallèlement, une réflexion approfondie sur le pilotage financier de l’établissement s’impose, notamment à travers la rationalisation des dépenses et, par exemple, la mise en place de pratiques de réemploi, en cohérence avec notre engagement en matière de DDRSE. Pour y parvenir, nous devons adopter une démarche structurée, prospective et proactive. Il faudra aussi travailler en concertation pour explorer de nouveaux champs – comme l’accompagnement des entreprises à la transition – et proposer à nos partenaires une offre totale et intégrée en recherche et en formation. Cela implique une évolution de notre organisation afin d’assurer que ces actions soient mises en œuvre dans des conditions soutenables.
En quoi ces relations contractuelles vont-elles bénéficier aussi aux étudiants ?
Même si les taux d’insertion de nos étudiants sont déjà très bons, nous pouvons toujours faire mieux. Pour y contribuer, il faut que nos formations soient connectées au monde professionnel, à ses besoins et ses évolutions.
Vous étiez déjà très investie dans la recherche, sur des fonctions à responsabilités, qu’est-ce qui vous a décidé à candidater sur ce poste de direction ?
Je suis passionnée par mon travail, j’ai toujours aimé apprendre et relever des défis. Il y a quelques années, j’ai ressenti le besoin de me challenger dans d’autres domaines et sur d’autres compétences, pas seulement dans une posture scientifique. J’ai vraiment envie de travailler sur l’humain et de m’engager dans des actions ayant une répercussion immédiate sur notre environnement, avec une forte dimension stratégique.
Rédaction : Camille Pons, journaliste

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