Nicolas Dietrich
Porté par l’international, la pédagogie active et le challenge
S’il a été formé au Génie des procédés, à transmettre les connaissances dans ce domaine en tant qu’enseignant et à en produire en tant que chercheur, Nicolas Dietrich a une autre corde à son arc : expérimenter de nouvelles formes de pédagogie active, vertueuses, selon lui, pour les étudiants comme pour les enseignants.
C’est une passion supplémentaire pour l’international qui a conduit ce professeur jusqu’à la mission de référent pédagogique pour développer, au nom du Groupe INSA et dans le cadre d’ECIU University, l’apprentissage par challenge.

C’est en Lorraine que Nicolas Dietrich a décroché successivement, entre 2005 et 2008 à l’Institut national polytechnique de Lorraine (INPL), un DEA en Génie des procédés et des produits, un diplôme d’ingénieur des industries chimiques (à École nationale supérieure des industries chimiques ou ENSIC), puis un doctorat. Mais c’est Toulouse qu’il a choisi ensuite, pour son environnement « à la pointe dans le domaine du génie des procédés en France », et notamment l’INSA pour le Toulouse Biotechnology Institute (TBI), qu’il a rejoint dès 2009 car il trouvait que les travaux applicatifs du laboratoire, fortement axés sur les grands enjeux environnementaux, « avaient du sens ». Mais c’est une appétence pour l’international et la pédagogie active qui va progressivement prendre le dessus et orienter la trajectoire de l’enseignant-chercheur vers ECIU, un consortium européen d’universités innovantes (www.groupe-insa.fr/partager/eciu-university), qui s’est formé en vue, notamment, de développer une approche innovante de la formation et de la recherche basée sur les challenges en lien avec la société.
Ce goût pour la pédagogie et l’international s’est traduit dès 2013 par la création d’un master international en « Mécanique des fluides pour les procédés industriels ». C’est dans ce cadre qu’il va voyager, « égrener les salons, les rencontres, effectuer des visites de campus en Chine, en Corée du Sud, au Vietnam, au Cambodge, au Japon, etc., pour promouvoir le master », explique-t-il, nourrissant ainsi son « goût pour l’international, la découverte d’autres cultures, d’autres systèmes académiques… ». « Cette première responsabilité pédagogique a amplifié mon envie de voyager, de rencontrer des étudiants étrangers, qui sont vraiment différents des nôtres dans leur façon de travailler. Ils sont encadrés différemment et beaucoup plus autonomes, ce qui leur permet de développer des soft skills qui sont les compétences attendues au 21e siècle – et qui développent aussi une relation à l’enseignant assez vertueuse et singulière » poursuit le professeur des universités et directeur du département « Génies des procédés : eau, énergie & environnement ».
Pédagogie active : de l’intérêt à l’expertise scientifique
À son attrait grandissant pour l’international, se greffera un intérêt marqué également pour la pédagogie active. « Cette nouvelle génération d’étudiants s’ennuie très vite, elle a besoin d’une pédagogie qui les place en tant qu’acteur », constate l’enseignant. Du coup, celui-ci tente, dès 2017, d’accrocher ce public en ludifiant ses cours : création d’escape games pédagogiques, de jeux, de battles avec des petits enjeux pour motiver les étudiants…
Passionné, il en a fait également des objets de recherche, ce qui l’amènera à publier pas moins de 10 articles scientifiques sur ces pédagogies innovantes dans des revues internationales (sur la ludification, l’enseignement à distance, l’utilisation de réalité augmentée, les enseignements hybrides et à distance et la vulgarisation), dont certains comptent aujourd’hui parmi ses plus cités ! « C’est devenu l’une de mes expertises, au même titre que le génie des procédés durables, l’hydrodynamique, le transfert de matière dans les bioréacteurs », développe le chercheur. « Expertise que je n’ai osé afficher néanmoins qu’à partir de 2020 car, dans nos disciplines, on est plutôt évalué sur les projets, les publications et les brevets que l’on dépose ! ». Une première activité qui avait d’ailleurs été prolifique jusque-là, puisque le chercheur compte à son actif 6 brevets déposés pour des travaux menés dans ses spécialités d’origine et quelque 180 communications scientifiques. Et il figure, de 2021 à 2024, dans le classement mondial établi par l’université de Stanford, qui identifie les 2 % de scientifiques les plus influents au monde en se basant sur une analyse bibliométrique de l’impact des citations.
Sa contribution à la création des challenges ECIU à la faveur d’un congé recherche
Le virage vers ECIU s’est opéré quant à lui à la faveur d’un congé « forcé » : 6 mois passés « à la maison » en 2021 à cause du Covid, en lieu et place du congé pour recherche thématique qu’il avait obtenu pour établir des collaborations en Europe. C’est à ce moment-là que Marie-Agnès Détourbe, la correspondante d’ECIU, qui connaît son expertise en matière de pédagogie active, le sollicite pour l’Alliance qui s’est formée pour développer des dispositifs de ce type, dont l’apprentissage par challenge ou « Challenge-Based Learning » (CBL). « J’avais prévu de circuler en Europe, il y a cet apprentissage par challenge, forcément, ça raisonne, et j’ai du temps : j’accroche ! », se souvient Nicolas Dietrich. Il deviendra, dès l’année suivante, le référent pédagogique pour ce dispositif au sein du Groupe INSA après avoir expérimenté un tout premier challenge avec Katja Auffret, une enseignante d’allemand avec qui il forme une teamcher (contraction de team et teacher), un binôme d’enseignants qui « jouent un rôle de guide plutôt que d’enseignants qui transmettent la connaissance ». C’est l’un des principes forts de ce dispositif, tout comme le choix du sujet à traiter, forcément une vraie problématique du monde socio-économique et en lien avec un enjeu sociétal ou environnemental.
Il va aussi former ses collègues à ce nouveau format : en plus de la création d’un MOOC, il est intervenu dans les différentes écoles du Groupe pour apprendre à concevoir des challenges. Et la « robustesse » de ce dispositif est renforcée via le déploiement d’une Boutique des sciences de la Communauté d’universités et établissements de Toulouse, dans le cadre du projet TIRIS (Toulouse Initiative for Research’s Impact on Society, lauréat de l’appel à projets « Excellence sous toutes ses formes » du 4e PIA) : un dispositif d’intermédiation qui met en relation les acteurs de la société civile avec les acteurs de la recherche, recueille les besoins et permet donc d’alimenter les challenges en projets concrets venant de la société.
« C’est en bousculant les codes de la pédagogie qu’on stimule
la créativité et l’innovation »
Pour Nicolas Dietrich, qui a accompagné toutes les parties sur le développement de ces challenges, les bénéfices de ces derniers sont indéniables. « Les étudiants adorent les sujets concrets, car cela les met en responsabilité face à de vrais acteurs de la société. Leur motivation est beaucoup plus forte ». C’est aussi « un des nouveaux outils pédagogiques » pour acquérir de nombreuses compétences « qu’on ne leur fait pas forcément travailler en formation et qui sont les plus recherchées aujourd’hui par les organisations professionnelles : la communication, la prise de décision, la pensée critique, la capacité d’innovation, le leadership, l’adaptabilité, la tolérance au stress… ». Les enseignants sont incités par ailleurs « à travailler en interdisciplinarité et avec des étudiants d’autres spécialités que la leur. Et ils voient que c’est en bousculant les codes de la pédagogie qu’on stimule la créativité et l’innovation. »
Au-delà de la formation, le développement des sciences participatives avec les citoyens
Alors qu’ils sont pour l’instant majoritairement accessibles aux étudiants sur la base du volontariat, Nicolas Dietrich aimerait bien qu’à terme « tous les étudiants en fasse au moins un dans leur parcours ». Il a les mêmes velléités d’encourager les enseignants à rejoindre le dispositif, alors qu’une cinquantaine d’entre eux ont été formés à ce jour sur l’ensemble du Groupe. « Cela enrichit à la fois le citoyen, l’enseignant et le chercheur », aime-t-il dire. « En découvrant d’autres façons de penser, le chercheur découvre d’autres solutions. L’enseignant donne du sens à ce qu’il transmet et se rend en même temps utile en tant que citoyen puisqu’il contribue, en formant, à résoudre des problèmes de société », argue encore le professeur.
Nicolas Dietrich œuvre aussi en parallèle sur un autre volet de l’Alliance européenne, le développement des sciences participatives, « une autre plus-value d’ECIU ». « Alors que le challenge fait participer la société à la formation, les sciences participatives font participer les citoyens à la recherche ». Dans ce cadre, il a coordonné la « Grande Expérience Participative », lancée par la coordination nationale de la Nuit Européenne des Chercheurs en 2023 et soutenue par le projet ECIU-SMARTER (H2020). Baptisée la Grande Synchr’EAU, elle a consisté à faire effectuer des mesures synchronisées de la qualité de l’eau (rivière, lac, puits, flaque, etc.), simultanément dans 16 villes de France, grâce à une coordination de milliers de citoyens. L’intérêt de l’action ? Mobiliser le grand public pour produire des données environnementales à large échelle, tout en renforçant la sensibilisation à la protection de l’eau. Les partenaires envisagent aujourd’hui de mobiliser les citoyens sur des sujets comme la biodiversité ou encore les mobilités douces.
Suivre les publications de Nicolas Dietrich : www.ndietrich.com
Rédaction : Camille Pons, journaliste

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