Nathalie DOMÈDE

La science
au service du patrimoine

6 février 2023

On attend naturellement les chercheurs en Génie civil pour faire progresser les connaissances, les méthodes et outils pour la conception ou la préservation d’ouvrages modernes, ponts, tunnels, barrages, centrales nucléaires, aéroports, grands ouvrages architecturaux…, et avec des matériaux innovants, béton et acier principalement. Mais les chercheurs en Génie civil servent aussi le patrimoine ancien.

À l’INSA Toulouse, Nathalie Domede est engagée, avec le LMDC, dans deux projets de recherche qui visent à accompagner la rénovation de Notre-Dame de Paris et à servir la préservation de tous les édifices anciens.

Notre-Dame brûle, c’est un drame… Mais c’est aussi l’occasion, parce que tout l’Occident s’en émeut, de développer des actions de recherche pour assurer plus largement la conservation et la restauration des édifices du patrimoine bâti après un sinistre

L’incendie du 15 avril 2019 a en effet permis de mettre en avant la recherche dans ce domaine, se souvient Nathalie Domede : « nous allions avoir les moyens de faire de la recherche sur la conservation du patrimoine, alors que nous rencontrons des difficultés à financer nos projets dans ce domaine ». Enseignante et chercheuse au LMDC (Laboratoire Matériaux & Durabilité des Constructions de Toulouse), elle intervient, avec Pierre Morenon, responsable des études et méthodes numériques au sein de la cellule de transfert de technologie interne au LMDC, Toulouse Tech Transfert (TTT), au travers de deux projets distincts lancés en France pour accompagner la rénovation de la cathédrale gothique et faire avancer plus largement les recherches pour contribuer à la préservation de tout édifice ancien : le chantier scientifique créé par le CNRS et le ministère de la Culture (MC), en collaboration avec l’Établissement public en charge de la conservation et de la restauration de Notre-Dame de Paris, et un projet ANR (Agence nationale de la recherche) nommé DEMMEFI.

Son profil en faisait une « candidate » de choix, puisque cette ingénieure INSA Lyon en Génie civil et Urbanisme est, depuis déjà une vingtaine d’années, spécialisée sur le diagnostic structurel, le calcul et la modélisation des constructions en maçonnerie, neuves et anciennes telles que les ponts, les phares et les églises gothiques. Son expertise sur l’ancien est en outre renforcée par un master en Histoire des sciences et techniques (décroché en 2002 au Centre d’Histoire des Techniques de Paris) et la direction d’une thèse, soutenue fin 2015, qui a été menée autour d’une étude de cas qui est un autre joyau gothique construit au cœur de Paris : la bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers (« Méthodologie de diagnostic de structures maçonnées anciennes »).

Nathalie Domede et Pierre Morenon réalisent des mesures sur site qui servent à caractériser
les pierres de Notre-Dame et nourrir les modèles numériques du diagnostic

Du support scientifique à la maîtrise d’œuvre du chantier de restauration

Le LMDC est en effet membre actif du consortium d’experts scientifiques regroupés au sein du chantier scientifique CNRS/MC. 175 chercheurs de toutes disciplines scientifiques et issus d’une cinquantaine d’unités de recherche de l’Hexagone sont répartis sur huit groupes de travail. Pierre Morenon, comme modélisateur, et Nathalie Domede, référente scientifique, sont positionnés dans le groupe de travail « Structure » qui rassemble 6 laboratoires français expérimentés dans le domaine de l’analyse structurale des édifices en maçonneries.

Que font-ils exactement ? « Des calculs de la structure porteuse en maçonnerie de pierre, essentiellement sur les voûtes à croisées d’ogive, les murs gouttereaux, les arcs-boutants et les culées, en utilisant des méthodologies et outils numériques sophistiqués développés au sein du laboratoire LMDC depuis une vingtaine d’année dans le domaine du diagnostic des constructions, outils adaptés au béton au départ, et ensuite au cas de la maçonnerie de pierre ou de brique », explique Nathalie Domede. « Les autres laboratoires réalisent les mêmes calculs, en partant des mêmes hypothèses, mais avec leurs propres outils : les simulations de l’incendie et de son extinction par les pompiers nous renvoient par exemple des schémas de fissurations, et la comparaison de nos différents résultats nous permet de les valider ou de les améliorer. » Le but de la manœuvre consiste ainsi « à comprendre ce qui s’est passé, pourquoi certains éléments se sont plus déplacés que d’autres » et à donner des éléments de réponses au maître d’œuvre du chantier et aux architectes des Monuments historiques qui se demandent « s’il faut et comment ‘reboucher’ des trous, s’il faut consolider ou bien déconstruire et reconstruire, alors que l’enjeu en termes de sécurité est énorme ».

Une « étude de cas » au service d’une cause plus large

Parallèlement, ce tandem du LMDC participe aussi au projet de recherche ANR DEMMEFI. Démarré en septembre 2020 pour 4 ans, il réunit l’Institut de mécanique et d’ingénierie de Bordeaux (I2M), le LMDC de Toulouse et le Laboratoire de mécanique et génie civil de Montpellier (LMGC). Alors qu’aujourd’hui il est nécessaire de mettre en parallèle différentes connaissances et outils numériques pour se prononcer avec précision sur l’état structurel post-incendie d’un édifice maçonné (pouvoir visualiser les forces qui sont en jeu, ce qui se déforme lorsqu’un édifice est exposé à un incendie et aux projections d’eau froide pour l’éteindre, les dommages qui en résultent, calculer la portance résiduelle, etc.), le projet se propose de mettre au point une méthodologie d’évaluation structurale post-incendie qui combinerait et optimiserait les avantages des deux principales méthodes numériques de calculs existantes : la méthode des éléments finis (MEF) et la méthode des éléments distincts (MED). En effet, la MEF présente l’intérêt de décrire les mécanismes macroscopiques, et la MED celui de rendre compte des phénomènes localisés à l’interface entre les pierres et le mortier. Cette méthodologie sera appliquée dans un premier temps à une travée courante de la nef de Notre-Dame, puis à la cathédrale toute entière, avant d’être généralisée aux édifices analogues.

« Notre-Dame de Paris est une étude de cas formidable au service d’une cause et d’un thème plus fondamental, la question de la sécurité incendie de tous les monuments historiques »

Car toutes ces recherches ont vocation à servir bien plus que Notre-Dame de Paris. « Notre-Dame est une étude de cas formidable au service d’une cause et d’un thème plus fondamental, la question de la sécurité incendie et surtout du diagnostic post-incendie de tous les monuments historiques », explique encore la chercheuse. Faire progresser les connaissances et les outils en la matière permettra donc d’assurer aussi la conservation de tous les édifices anciens, en France et au-delà, les églises, les musées, les châteaux, les mairies, les gares, les commerces…

Mais aussi, pourquoi pas, de relancer la filière de la construction en pierre… Mais pourquoi donc ? Parce qu’ « il y a un enjeu environnemental colossal », répond Nathalie Domède. « Certes, on a besoin du béton et du métal. Sans eux, il aurait été impossible de bâtir des centrales nucléaires ou des édifices comme le viaduc de Millau. Mais l’utilisation quasi-exclusive de ces deux matériaux a un énorme impact environnemental. Ils sont les deux matériaux les plus fabriqués au monde avant le plastique, et sont source d’une dépense incroyable d’énergie : fabrication avec des fours, génération de transport… La pierre, 100 % naturelle, on peut la prendre à côté et la poser. La logique serait de mettre le bon matériau au bon endroit. »

L’intérêt pour le bâti ancien va continuer d’occuper encore le LMDC, puisque Nathalie Domede vient également de gagner un appel à projets interne à l’INSA Toulouse pour travailler sur les méthodes de restauration des édifices en briques toulousains, avec une chimiste et des historiens. Une dimension interdisciplinaire qu’apprécie particulièrement la chercheuse : « si je ne faisais que du calcul numérique, que de la chimie, etc., je m’ennuierais. Là, ça m’oblige à avoir un champ de vision très large et c’est ce qui me plaît ! »

Portrait réalisé par Camille Pons, journaliste.

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