[L’Actu – Juillet 2025]
La recherche en IA pour accompagner
la lutte contre le cancer
Maître de conférences à l’INSA Toulouse, Philippe Leleux est spécialisé, dans son activité de recherche, sur la performance et la sûreté des approches basées sur l’intelligence artificielle. Intéressé par le monde médical, c’est dans ce champ qu’il développe ses travaux actuels, sur des projets destinés à mettre au point des outils numériques avancés s’appuyant sur l’IA pour aider les médecins dans leurs diagnostics, pronostics et choix de traitement en oncologie.

C’est au LAAS-CNRS, au sein de l’équipe TRUST (Trustworthy systems: foundations and practices), que Philippe Leleux contribue au développement d’outils dont on attend beaucoup. S’appuyant sur l’intelligence artificielle, ces systèmes auront pour vocation, en analysant des données médicales, à établir des diagnostics, mais aussi des pronostics de survie et des choix des traitements pour les patients pour accompagner les médecins dans leur tâche. La partie de ces travaux sur lesquels le chercheur est de son côté engagé ? La sûreté du système qui sera mis en œuvre ou « comment garantir que l’on puisse avoir confiance en des modèles d’IA utilisés dans ce système, et donc dans les résultats qu’ils vont donner au final », précise le chercheur. Une dimension d’autant plus importante, qu’il s’agit d’un système dit « critique », car il concernera des patients.
Sa spécialité d’origine, le calcul scientifique en algèbre linéaire appliquée, explorée lors de son doctorat en mathématiques appliquées en cotutelle entre l’INPT et la Friedrich-Alexander Universität d’Erlangen-Nürnberg (Allemagne), ne le destinait pas nécessairement au monde médical. Mais c’est son post-doctorat, en 2022 au Centre de recherches en cancérologie de Toulouse (CRCT), une unité mixte de recherche affiliée à l’Inserm, au CNRS et à l’Université de Toulouse, qui lui a ouvert la porte du « vivant ». Il a, à cette occasion, démarré des travaux portant sur des méthodes d’IA appliquées à des données de patients (apprentissage supervisé et non-supervisé), ainsi qu’à des images de moelle osseuse (segmentation par algorithme génétique, classification par réseaux profonds). Ce premier projet portait sur l’automatisation du diagnostic et du traitement de la leucémie aiguë myéloïde (LAM), chez les patients porteurs d’une mutation du gène GATA2. Devenu maître de conférences à l’INSA, au département Génie électrique et informatique, le chercheur a choisi de poursuivre avec la même équipe, notamment Sandrine Mouysset de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT) et Sarah Bertoli du CRCT. « Pas question de remplacer l’humain », précise néanmoins le chercheur, mais de mettre au point « des outils d’aide à la décision, d’enrichir l’information dont les médecins vont pouvoir disposer ».
Garantir la confiance de modèles d’IA qui serviront d’outils d’aide à la décision aux médecins
Actuellement, le projet qui l’occupe est la mise au point d’un système qui permettra d’établir le diagnostic de différents types de leucémies à partir de données de patients (analyses médicales, numérations formules sanguine, données d’analyse génétique…). Le chercheur et le doctorant qu’il co-encadre, Jules Morata, se concentrent sur une des « sous-tâches » de ce futur système, l’automatisation d’un acte réalisé manuellement par les médecins pour compter les cellules normales et anormales. « La lame utilisée par le médecin pour faire ce comptage en se servant d’un microscope doit ainsi être remplacée par un scanner équipé de différents zooms pour imiter le travail du médecin, qui bouge cette lame, compte les cellules, etc. », précise le chercheur. Lui et son doctorant travaillent plus spécifiquement sur la sûreté de ce futur dispositif. « Notre travail consiste, de bout en bout, à chaque étape de l’application, à rajouter des règles pour que le système puisse détecter ce qui potentiellement ne va pas : ceci inclut des méthodes de monitoring », détaille-t-il. « On va donc entraîner notre modèle de machine learning avec des images et des données labellisées [données brutes auxquelles des étiquettes ont été attribuées pour ajouter un contexte ou une signification, ndlr], et avec le plus de variabilités possibles, pour que le système, qui devra traiter des données d’origines différentes, soit robuste par rapport à leurs spécificités et éviter ainsi que le résultat ne soit biaisé. » L’outil devra, par exemple, être capable de détecter des anomalies dans les données d’entrée, « comme des données atypiques dues à des erreurs d’écriture, ce qui arrive souvent ». L’objectif final ? « Améliorer la confiance qu’on peut avoir dans les modèles, même si on ne garantira jamais le 100 %. Mais si on peut porter cette confiance à 99 %, ce sera déjà très bien. Le médecin, n’est pas parfait et n’atteint pas une fiabilité parfaite. »
Les enjeux sont importants d’un point de vue sociétal. L’INSA Toulouse a de son côté apporté un soutien fort à ces travaux en octroyant une bourse de thèse dans le cadre d’un appel à projets interne qui vise à valoriser des travaux interdisciplinaires. Ces derniers sont à la croisée de l’informatique, des mathématiques appliquées et de la biologie. Les premiers résultats sur le comptage des cellules ont été soumis à la revue The Lancet Digital Health en vue d’une première publication scientifique.
Rédaction : Camille Pons, journaliste

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