[L’Actu – Avril 2025]
Savoir réparer pour mieux éco-concevoir plus tard
Et si on faisait d’une pierre – ou plutôt d’une formation – deux coups ? À l’INSA Toulouse, un module électif original vient d’être intégré en 3e année : on y apprend comment prolonger la vie de nos objets du quotidien. Au-delà de permettre concrètement de limiter l’impact environnemental des déchets électroniques, on sensibilise les étudiants à cette philosophie en espérant qu’ils l’appliqueront, à la fois dans leur future vie professionnelle en devenant éco-concepteurs, mais aussi dans leur vie de citoyen en formant à leur tour d’autres personnes à ces gestes.

Mais qu’est-ce qu’un Repair Café ? C’est un atelier animé par des bénévoles pour réparer des objets cassés ou en panne, particulièrement du petit électroménager. Ils ont donc pour but de moins jeter alors qu’aujourd’hui les appareils en panne ou endommagés sont généralement « recyclés » et que seule une petite partie des matériaux les composant est réutilisée, car le prix de la réparation reste souvent plus élevé que celui d’un objet neuf.
L’intérêt environnemental et économique d’allonger la durée d’usage des produits
Cette idée n’est pas une lubie de convaincus, même si les deux hommes sont déjà impliqués dans un Café Bricol’ dans leurs communes respectives. « Nous sommes pour une consommation raisonnée et nous voulons porter un message d’écologie : en réparant, notre empreinte carbone s’en porte mieux ! », martèle Jean-Yves Fourniols. Les chiffres de l’ADEME lui donnent raison. Dans une étude dont les premiers résultats avaient été présentés à l’occasion, en 2019, de la campagne de mobilisation à l’allongement de la durée d’usage des objets de consommation courante (téléviseur, smartphone, scie sauteuse, jean…), l’Agence de la transition écologique avait mis en lumière l’intérêt environnemental et économique de cet allongement. Si la durée de vie moyenne en France de l’ensemble des télévisions était augmentée de 1 an, passant de 8 à 9 ans, le gain environnemental serait estimé à 1,7 million de tonnes de CO₂, soit les émissions annuelles d’une ville comme Lyon. Quant au bénéfice économique, il avait été évalué, si on conservait une télévision 8 ans au lieu de 4 actuellement en moyenne, à 66 €/an pendant la durée d’allongement.
Bien plus qu’une compétence supplémentaire à inscrire sur un CV
C’est le premier Festival des campus en transitions qui a donné l’occasion aux deux enseignants, accompagnés par Emmanuel Lombard, Alexandre Huyghe et Guillaume Auriol, d’introduire cette dimension à l’INSA Toulouse. Imaginé pour sensibiliser, informer et rendre actrice et acteur l’ensemble de la communauté universitaire aux enjeux de transition écologique et sociétale, ce festival avait donné lieu à deux rendez-vous à Toulouse en 2024. Christophe Escriba avait eu l’idée d’y tester un atelier. Celui-ci avait « fait le plein » et confirmé l’appétence des étudiants pour le sujet.
Aujourd’hui, le Repair Café INSA plonge les étudiants au cœur de la réparation responsable, en leur transmettant une philosophie, des consignes de sécurité et un savoir-faire technique au travers de réparations concrètes. « Cela fonctionne comme un SAV », détaille Christophe Escriba. « À partir d’objets collectés par l’intermédiaire de la Com’ Environnement de l’Amicale des Élèves (grille-pains, cafetières, théières, bouilloires, sèche-cheveux, radiateurs électriques, etc.), les étudiants vont apprendre à faire un diagnostic, puis les gestes techniques pour réparer. »
L’originalité du dispositif ? « S’inscrire dans une démarche pédagogique », répond Christophe Escriba. Car, certes, il existe des fablab en établissements d’enseignement supérieur où peuvent se dérouler le même type d’initiatives – l’INSA en possède un d’ailleurs-, mais sans former les étudiants. C’est pourtant cette dimension qui pourrait permettre de davantage agir en profondeur sur les habitudes de la société et la conception même des objets « alors qu’aujourd’hui, par exemple, on ne peut même plus changer seul une ampoule de phare ou une batterie de voiture ! ».
Un module qui « réconcilie » les jeunes avec la technologie en lui donnant du « sens »
Du point de vue organisationnel, 27 étudiants, de toutes spécialités, sont accueillis à raison de 10 sessions au département Génie électrique et informatique, où le directeur, Patrick Tounsi, a mis à disposition un espace mais aussi un membre du personnel, Emmanuel Lombard, en charge de gérer le matériel de réparation. Matériel qui a été financé grâce à une enveloppe de 5 000 € octroyée par le GEI et la Fondation INSA Toulouse. Le module est aussi conduit avec des anciens professionnels de l’industrie, qui animent aujourd’hui le Repair Café de Tournefeuille (Christophe Copee, Gérard Petit, Jacques De Chaseaux et Jean-Guillaume Orliac).
« On est dans le vrai ! », se réjouit encore Jean-Yves Fourniols. En effet, la loi anti-gaspillage, adoptée en 2020, se déploie progressivement. Après avoir accompagné dès 2021 l’application d’un indice de réparabilité concernant des équipements électriques et électroniques (pour apporter au consommateur, au moment de son achat, une information simple sur la capacité des produits à être réparé), celle-ci a introduit, depuis janvier dernier, un indice de durabilité. Il inclut de nouveaux critères comme la fiabilité et la robustesse du produit et viendra remplacer progressivement l’indice de réparabilité. Injonctions européennes et réglementation française amènent ainsi progressivement l’ensemble de la société à prendre en compte ces dimensions dans toutes les composantes de la vie.
« Le rêve que nous avons ? En leur donnant le goût de la réparation et en leur transmettant les gestes techniques, que les étudiants s’approprient cette philosophie et qu’ils fassent grandir l’initiative. »
Vers une ressourcerie ?
Jean-Yves Fourniols, Christophe Escriba et leurs collègues voient plus loin. « Le rêve que nous avons ? En leur donnant le goût de la réparation et en leur transmettant les gestes techniques, faire que les étudiants s’approprient cette philosophie, qu’ils fassent grandir l’initiative auprès des autres étudiants, en formant leurs pairs à la réparation mais aussi les citoyens qui vont dans les Cafés Bricol’, personnes qui, souvent, ont la bonne volonté, mais n’ont pas les compétences pour le faire », poursuit Jean-Yves Fourniols. « En même temps, nous contribuons à redonner du sens à leur formation, à leur montrer que l’on peut conjuguer technologie et économie circulaire. »
Au sein du campus, ils veulent aussi transformer cette expérience en véritable « ressourcerie » : faire que les personnels de l’INSA viennent « massivement » apporter leurs objets à réparer, objets qui pourront être ensuite redistribués gratuitement aux étudiants les plus modestes.

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