[L’Actu – Juillet 2024]
Demain, un transfert d’information de plus en plus rapide sur de grandes distances ?
Alors que des technologies comme les télécommunications optiques utilisent déjà des propriétés de la lumière (son intensité notamment) pour porter l’information, l’équipe Optoélectronique quantique du LPCNO, vient d’obtenir des résultats prometteurs sur un système qui pourrait permettre de propager l’information à plus haut débit, sur de longues distances et en consommant moins d’énergie.

Coder de l’information afin de pouvoir la propager à plus haut débit et avec une consommation moindre d’énergie, grâce à une des propriétés de la lumière, la polarisation des photons, c’est-à-dire leur hélicité, hélicité que l’on pourrait choisir via un appareillage moins lourd que celui qui existe déjà pour ce faire : c’est ce que vient de réussir une équipe du LPCNO (Laboratoire de Physique et Chimie des Nano-Objets), en collaboration avec plusieurs laboratoires français et internationaux, dont l’Institut Jean Lamour (CNRS/Université de Lorraine, France).
Leurs travaux, qui ont agrégé durant des années de nombreux chercheurs, ingénieurs de recherche, doctorants et post-doc, portent sur la spintronique, technique qui exploite une propriété quantique et magnétique de l’électron appelée spin (« rotation ») pour coder des informations binaires. Ce spin des électrons (moment magnétique) ne peut prendre que deux orientations, up et down, l’une assignée à un bit de valeur 0, l’autre de valeur 1. Cette technique offre la possibilité de stocker l’information binaire en générant des bits magnétiques et elle est déjà utilisée dans de nombreux dispositifs numériques comme les mémoires magnétiques MRAM. Mais au-delà du stockage, ce qui intéresse aujourd’hui le monde scientifique qui travaille dans le champ de la spintronique dans les semi-conducteurs, c’est la façon dont on peut transporter cette information à plus haut débit et sur de longues distances : les travaux actuels, à l’instar de ceux menés par Pierre Renucci dans cette équipe à l’INSA Toulouse, pourraient alors avoir un intérêt dans divers domaines.
Quels domaines ? « Plusieurs », répond le chercheur évoquant les écrans 3D, la cryptographie quantique, la bio-médecine, chercheur qui insiste néanmoins sur la dimension fondamentale de ces travaux et le temps long de la recherche et des développements qui pourraient découler ensuite. Mais un champ d’application est d’ores et déjà bien identifié, celui des télécommunications optiques qui utilisent déjà l’intensité de la lumière pour véhiculer l’information. « Si on peut changer l’hélicité du photon (donc la rotation du champ électrique associé), on peut véhiculer les informations à des fréquences et des vitesses plus rapides, donc augmenter le débit d’information et avec une consommation d’énergie plus faible. Actuellement, l’information est portée par l’intensité de la lumière. Par exemple, des applications souvent désignées sous le vocable de LIFI (Light fidelity) permettent de communiquer en espace libre et sur de courtes distances (< 5 m) ». précise-t-il. « Notre spinLED permettrait d’améliorer le LIFI avec un débit d’information plus important, par exemple entre deux ordinateurs dans un même data center, en codant l’information dans l’hélicité (polarisation circulaire droite ou gauche) de la lumière plutôt que dans son intensité. »
Utilisation d’une impulsion électrique plutôt qu’un champ magnétique pour moduler l’aimantation de l’injecteur de spin
C’est sur la nature de la spinLed qu’elle a contribué à mettre au point et analyser que cette équipe se démarque. En effet, pour changer l’orientation des spins (up ou down), on utilise actuellement des couches magnétiques dont on inverse l’aimantation, mais ces inversions sont générées par des électro-aimants puissants, donc très volumineux et peu maniables, et la fréquence d’encodage reste relativement lente, de l’ordre du kHz. Les scientifiques unis autour de ces travaux ont cherché de leur côté à identifier comment on pourrait convertir et moduler l’état magnétique de l’électron en un signal lumineux porteur de ces informations via un process moins lourd : ils ont utilisé pour la première fois une impulsion électrique pour moduler l’aimantation de l’électrode injectant des spins dans un semi-conducteur, ce dernier convertissant le spin de l’électron en signal optique présentant une polarisation circulaire spécifique. Grâce à cet effet, la fréquence de l’encodage pourrait atteindre 10 à 100 GHz. Et le dispositif expérimental générant ces impulsions présente une taille réduite qui rend sa mise en œuvre bien plus aisée. Les résultats obtenus par ces chercheurs constituent donc une première étape importante vers la mise au point de dispositifs qui pourraient combiner les fonctionnalités d’écriture, de stockage et de transfert de l’information par voie optique.
Prochain objectif ? « Essayer, en travaillant sur de nouveaux matériaux, de commuter cette hélicité de la lumière de plus en plus vite », précise Pierre Renucci. Et mettre au point un émetteur de spins laser plutôt que LED, « car les lasers émettent de la lumière plus directionnelle et plus intense, ce qui permet de propager cette lumière [et donc l’information qu’elle transporte, nldr] sur des distances plus grandes, avec un haut débit et une consommation d’énergie maîtrisée ».
L’article publié dans Nature : « Contrôle de l’hélicité de la lumière par renversement électrique d’aimantation – Controlling the helicity of light by electrical magnetization switching »
Rédaction : Camille Pons, journaliste

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